Le conseil de Police de ce lundi 19/2 se tiendra la veille du rendu du jugement de la chambre du Conseil dans l’affaire #Adil. Il se tiendra aussi derrière les murs du tristement célèbre commissariat de Démosthène. Ce conseil devrait cependant accoucher d’une motion qui pourrait engager un changement de politique en matière de violences policières racistes. En amont de ce conseil, le Comité Zone Midi contre les Violences Policières entend apporter les précisions suivantes :
Le périmètre d’intervention d’un audit externe ne peut se limiter au seul commissariat de Démosthène ou à certaines sections de la police comme la BAC, c’est toute la zone qui doit être concernée par un tel audit. On rappellera, à titre indicatif, que les policières qui se sont livrées à un safari colonial à Cureghem en janvier 2021 venaient de la brigade canine de Neerpede, également connue pour de nombreux faits de racisme (diffusion de chants nazis, négationnisme, propos racistes et homophobes, etc.). Que le commissariat de la gare du Midi est connu pour un nombre ahurissant de passages à tabac de personnes sans-papiers. En 2006, 13 policiers de ce commissariat avaient d’ailleurs été jugés. Une policière avait reçu, « comme cadeau d’anniversaire », un homme sans-papiers, un “55” comme on dit dans la zone, qui menotté dans le dos, la tête coincée contre la porte d’un bureau, avait été frappé à l’aide d’un cable électrique. Un autre policier avait ensuite sauté sur lui comme sur un trampoline puis il avait été enfermé dans une armoire. Les violences policières du nouvel an avaient elles eu lieu à Forest. Les brutalités de la police saint-gilloise sont elles aussi particulièrement bien documentées.
La politique de poursuites disciplinaires de la zone midi doit changer en s’alignant sur la jurisprudence Darville (Conseil d’Etat, rapport annuel 2008-2009, Darville, n° 190.728, 20 février 2009). Les instructions en cours ne peuvent servir de cache-sexe à l’inaction du Collège en matière d’actes et de violences racistes. Le collège de police joue en effet un rôle de jury et doit, pour ce faire, se tenir informé des instructions en cours, des devoirs d’enquêtes potentiels, contacter le parquet et l’Inspection Générale des Services de Police. Ce changement politique est déjà à l’œuvre à Molenbeek où la bourgmestre Catherine Mourreau rappelait lors du conseil communal du 21 juin 2023 l’importance de maintenir une relation avec le parquet afin de mettre en place des mesures disciplinaires appropriées aux actes reprochés. Il n’est plus question d’attendre la fin des procédures judiciaires qui s’avèrent souvent extrêmement longues et en faveur des policiers racistes pour que le collège puisse agir. Comme le rappelle le Comité P, le disciplinaire et le judiciaire poursuivent des objectifs différents et complémentaires. Il n’est plus question que le second suspende le premier, et génère une double impunité comme les cas du policier qui a tué Adil ou de celui qui a tabassé plusieurs personnes dans le commissariat de Démosthène l’exemplifient. Au contraire, le racisme constitue un délit suffisamment grave pour qu’il puisse donner lieu à des poursuites disciplinaires proportionnées et au renvoi pour faute grave. Le blanchiment judiciaire dont bénéficie les policiers racistes, et que Jean Spinette juge lui-même comme “surprenant”, ne peut plus servir de caution à l’inaction du collège.
Pour ce qui concerne le récépissé, il faut impérativement que celui-ci donne lieu à une trace administrative pour la personne contrôlée. Ce dispositif n’est pas seulement destiné à effectuer l’inventaire des contrôles d’identité mais doit aussi permettre aux personnes victimes de contrôles policiers abusifs, injustifiés et répétés de pouvoir porter plaintes. Le défenseur des droits en France avait notamment émis des critiques importantes qui doivent être prises en compte : “La remise d’un document au contrôle accompagné de l’enregistrement des données par les pouvoirs publics offre la faculté complémentaire d’engager des analyses globales de l’activité policière”. Au-delà de l’enregistrement électronique, le récépissé doit pouvoir constituer un acte de procédure policière qui peut permettre pour la victime d’instruire une plainte pour contrôle abusif et pas uniquement comme un acte d’enregistrement pouvant servir à l’objectivation de la réalité de la violence policière.
En ce qui concerne l’usage de bodycam, la discussion doit engager la question du protocole général. En effet, le fait qu’une totale discrétion soit laissée à l’agent quant à l’activation du dispositif en dehors d’une intervention et à l’absence de toute phase de pré-enregistrement soulève la question de l’usage abusif ou pervers par les policiers malveillants ou tentant de couvrir des brutalités policières. C’est déjà ce qui se passe avec les caméras présentes dans les commissariats, comme les images de la mise en cellule de Dieumerci Kanda au commissariat de Démosthène, là où il trouvera la mort, et qui ont été noircies et rendues inopérantes sur le plan pénal. Il importe de souligner qu’il n’existe aucune solution magique qui mettrait fin aux violences policières racistes, violences structurées qui constituent une donnée historique particulièrement instituée en Belgique. Aucun dispositif technique ne peut engager à lui seul un changement en termes de politiques de poursuites et de politiques anti-racistes.
La question des faux pv doit faire l’objet d’une attention particulière et d’une possibilité d’instruction en tant que telle. La suspension du prononcé dans l’affaire du policier qui a tabassé une personne sans-papiers et un jeune arabe dans le commissriat de Démosthène sur base d’un pv mensonger qui parle d’une “claque la main ouverte” et d’une personne “particulièrment agitée” rappelle que l’impunité des violences policières racistes s’amorce toujours par un faux pv. Ici encore, le collège de police est seul garant du suivi de ces dossiers et doit pouvoir saisir le procureur du roi lorsqu’il est mis au courant de tels faits
Enfin, le Comité Zone Midi contre les Violences Policières entend rappeler que seule une pression activiste, pragmatique, instruite et rigoureuse, à distance des partis politiques, permettra un véritable changement qualitatif en termes de politiques de poursuites et de politiques anti-racistes. Cet activisme, seule base sérieuse à l’antiracisme politique, se fait à la fois dans le moyen terme en parvenant à constituer une durée à travers différents actes d’intervention et en conjoncture en arrivant à politiser un certains nombres de cas critiques qui seules permettent une évaluation à la fois en intériorité des pratiques activistes et en extérMartin Vander Elstiorité sur les effets en termes de politiques communales, régionales et fédérales. Depuis la mise en œuvre du Comité en mai dernier, un certain nombre de changements ont déjà été produits, il importe de continuer à transformer le réel du racisme d’Etat, par tous les bouts et par des moyens articulés et évaluables. Ce n’est qu’un début, continuons le combat !
Comité Zone Midi contre les Violences Policières
Mise à jour du 16.02.2024
« Le débat sur l’audit externe de la police de la zone Midi, sur les bodys cam, les récépissés et une politique disciplinaire pro-active en matière de racisme dans la police est reporté.
Spinette utilise l’émotion sur les fusillades de ces derniers jours pour tenter d’enterrer le débat. Cette manœuvre est purement opportuniste. Le conseil de Police ne pourra pas faire grand chose et c’est surtout avec Verlinden et Van Tigchelt qu’il faudra négocier.Il aurait suffi d’une motion commune en début de séance. Mais dans le climat actuel le bourgmestre de Saint-Gilles joue son image de marque et un conseil de police dans le commissariat de Démosthène n’aurait pas été électoralement vendeur. Jouer l’émotion légitime des habitants du square Jacques Frank contre la nécessaire transformation de la politique anti-raciste du Collège est politiquement bas et irresponsable.En effet, les violences liées à la mafia de la drogue n’ont pas lieu dans le haut de Saint Gilles ni dans les beaux quartiers de Anderlecht ou de Forest. Ces violences ont lieu dans les quartiers qui vivent directement les violences policières racistes et sont la conséquence de l’abandon des politiques publiques.C’est au contraire parce que les habitants du Peterbos, de Cureghem ou du square Jacques Franck ont besoin d’être protégé de la violence liée au « capitalisme de la drogue » comme l’appelle Spinette qu’il faut une politique de tolérance zéro en matière de racisme dans la police. Sinon on ouvre la porte aux policiers cow-boy qui se comportent dans ces quartiers comme au Far West. C’est ce qu’on avait vu au Peterbos en mai dernier lorsque des policiers avaient braqué avec des armes de poings des enfants lors d’une fête de quartier.Les habitants des quartiers populaires ont le droit à la sécurité et d’être protégés des violences policières racistes. Il est inacceptable de les prendre en otage entre les deux pour des raisons électoralistes.Le Comité Zone Midi prend acte du report de ce débat pourtant urgent dans le contexte actuel et fera tout pour qu’il ait lieu lors du prochain conseil de Police en mars en poussant pour des engagements concrets et substantiels en matière de lutte contre le racisme et l’impunité. »