Les violences policières constituent une des formes les plus institutionnalisées du racisme d’État en Belgique. Les commissariats forment, dans ce dispositif de pouvoir de type colonial, la condition d’acceptabilité de ces violences qui peuvent aller jusqu’à la mise à mort : Youssef Tariki, Dieumerci Kanda, Ibrahima Barrie, Mohamed Amine Berkane, Ilyes Abbedou, Sourour Abouda, etc.
Ces derniers mois un certain nombre de vidéos choquantes montrent la réalité crue de ces pratiques policières. Nous gardons tous en mémoire les images des deux personnes privées de liberté et rouées de coups de poings (voir ici et là) par un policier toujours en fonction dans le même commissariat diffusées par la RTBF en décembre dernier.
Sur base de PV mensongers parlant de “claques la main ouverte” et d’un détenu “particulièrement agité” ce policier raciste avait obtenu une “suspension du prononcé” et est toujours actif dans ce commissariat, au service d’aide aux victimes. Il se porte également régulièrement volontaire pour accompagner les détenus au Palais de justice.
Malgré la gravité des images de ces violences diffusées sur un média publique et la pression citoyenne, le collège de police n’a pris aucune sanction disciplinaire supplémentaire et refuse de donner le PV ou le compte rendu sur base duquel il a pris une sanction disciplinaire non proportionnée, et beaucoup trop légère ; ce qui en constitue de facto une forme de blanchiment.
Les policiers eux-mêmes, qui ne cessent de lancer l’alerte depuis 2019-2020, expliquent clairement que les images diffusées par la RTBF ne constituent pas du tout un cas isolé : « Il n’y a pas que ces trois collègues qui déconnent« , témoigne à Blast un policier de la zone Midi. « Autour de moi, beaucoup de bons flics ont dégagé. Les mauvais restent en place ». Cette sélection à l’envers crée un environnement particulier. « Les jeunes qui commencent leur carrière chez nous apprennent leur métier dans des conditions infectes« , complète ce témoin. « Ils sont confrontés au racisme ambiant, à la violence de quelques-uns, qui reste impunie. C’est pire ici que partout ailleurs. Pour moi, le sommet de la hiérarchie est responsable de cet état de fait ».
Ce commissariat de Démosthène est également celui au cœur duquel le policier qui a tué Adil opérait. Celui d’où est venu l’alerte lancée par 19 policiers de son unité pour des faits graves de harcèlement et de racisme, y compris d’incitation au meurtre raciste (“J’en ai sorti un de la rue”). Alerte qui n’a pas du tout, une nouvelle fois, été prise au sérieux par le collège. Le collège ayant toujours refusé d’envoyer un PV circonstancié sur ces faits extrêmement graves afin qu’ils puissent faire l’objet d’une correctionnalisation en tant que telle.
L’actuel président du Collège, Jean Spinette (PS), s’étant toujours abrité derrière une pétition de principe, contraire aux recommandations du Comité P (jurisprudence Darville, Conseil d’État, rapport annuel 2008-2009, Darville, n° 190.728, 20 février 2009), selon laquelle le pénal suspendrait le disciplinaire. Ce qui dans les faits entraîne une double impunité, comme l’exemplifie le cas du policier qui a tué Adil et qui travaille aujourd’hui à la brigade des stupéfiants ou celui qui a lynché à coups de poings une personne sans-papiers et un jeune arabe dans le commissariat de Démosthène et qui s’y
occupe aujourd’hui de l’aide aux victimes.
Toujours dans ce même commissariat, Dieumerci Kanda a perdu la vie en 2015 lorsqu’il venait porter plainte pour un vol de portefeuille. Ce même commissariat où une policière se promène avec un tatouage néo-nazi sur les deux coudes (1939-1943) en tout impunité. Les témoignages de terrain qui nous reviennent indiquent le caractère quotidien, atmosphérique des ces violences racistes.
Depuis mai dernier, les citoyens de Saint-Gilles, de Forest et de Anderlecht, regroupés dans le Comité Zone Midi contre les Violences Policières, qui n’en peuvent plus de ces violences sans fin sont montés au conseil de police afin d’exiger des comptes au collège et d’impulser une véritable politique de tolérance zéro en matière de racisme dans la police.
Malgré de nombreuses entraves à l’usage du droit d’interpellation, ils sont malgré tout parvenus à interpeler le collège de façon précise et en exigeant à chaque fois des réponses et des engagements concrets, comme la constitution de la zone en tant que partie civile dans les cas de violences policières. Malgré des menaces, des intimidations et du mépris, ces interpellations ont permis une politisation importante du conseil de police de la zone midi, ce qui se ressent dans l’intensité des critiques adressées par les conseillers communaux Ecolo, Engagés et PS lors des derniers conseils qui vont de plus en plus dans le sens d’une politique disciplinaire beaucoup plu proactive en matières de racisme dans la police, à l’instar de ce qui a été impulsé par la bourgmestre de Molenbeek.
Sans démocratisation des conseils de police, la limite qui sépare l’État de droit de l’état policier demeure aussi fine que du papier à cigarette.
Nous venons d’apprendre que le prochain conseil de police du 19 février prochain, lors duquel le PTB va déposer une motion exigeant un audit externe sur le commissariat de Démosthène aura lieu … derrière les murs du commissariat de Démosthène. Seules quelques personnes seront autorisées à y assister. Depuis le processus de politisation du conseil à travers des interpellations citoyennes et un travail activiste de terrain, cet acte représente clairement une reprise en main policière.
Les conseils de police doivent se passer dans la maison communale du président de conseil pour en garantir l’accessibilité démocratique. Organiser le conseil de police du 19 février derrière les murs du commissariat de Démosthène représente un tournant réactionnaire extrêmement dangereux et semble indiquer aux citoyens de la zone comme aux conseillers communaux critiques où se situe le véritable pouvoir : entre les mains du chef de zones et derrière les grilles du commissariat, là d’où les vidéos des violences racistes quotidiennes ne sortent jamais. Le temps où nos communes étaient un far ouest policier, où les commissaires racistes et d’extrême-droite faisaient la loi et jouaient au shérif est fini !
Anderlecht est la commune la plus jeune de Belgique, un nouvel électorat conséquent issus de l’immigration post-coloniale votera pour la première fois en octobre 2024, il s’agirait de ne plus l’ignorer.
La dégradation de la relation de confiance entre la police et les citoyens qui est la conséquence du racisme institutionnel représente pourtant un danger que les habitants des quartiers populaires de Anderlecht, de Saint-Gilles et de Forest sont les premiers à subir. La crise économique et énergétique qui se prolonge en une crise du chômage, du logement et de l’inflation entraîne des conséquences en cascade sur la vie de nos quartier en termes de violences liées au marché capitaliste de la drogue.
Nous sommes coincés entre une police où le racisme est à ce point institutionnalisé qu’elle fait légitimement peur aux habitants et des mafias armées qui font régner la terreur dans nos quartiers.
L’inflation va continuer de peser lourdement, les pressions de la Commission européenne en matière de déficit aussi. Le démantèlement de ce qui reste d’Etat fédéral sous l’effet d’un deal PS-NVA va couler Bruxelles dans un abysse de dettes qui va détruire toute capacité de mise en place de services publiques de qualité. La politique libérale autoritaire de non régularisation des travailleurs sans papiers va encore se durcir tant au niveau de l’Europe que du gouvernement fédéral et c’est Bruxelles qui, une nouvelle fois, en subira les conséquences. Les bourgmestres PS et Ecolo de Saint-Gilles, de Forest et de Anderlecht ne peuvent ignorer cette réalité.
C’est de eux seuls que dépend l’implémentation d’une politique de tolérance zéro envers les actes racistes, préalable indispensable au rétablissement d’une relation de confiance avec la police.
Nous exigeons :
- Que le conseil de police du 19 février ait lieu de façon démocratique comme cela est prévu par le R.O.I. dans la salle du conseil de la maison communale de Saint-Gilles de façon à en garantir l’accessibilité. Depuis ce que nous savons de ce commissariat, il nous est impossible de nous y rendre ni d’appeler qui que ce soit à rentrer dans Démosthène.
- Que la motion du PTB demandant un audit externe sur le commissariat de Démosthène soit étendue à toute la zone de police. Si le commissariat de Démosthène a cristallisé beaucoup de tensions et représente une sorte de fort suprémaciste avec une section entière où opéraient des policiers néo-nazis, nous ne pouvons pas oublier que les deux policières qui se sont filmées en train d’insulter les habitats de Cureghem lors d’un safari colonial en janvier 2021 venait de la brigade canine de Neerpede. Nous ne pouvons pas non plus oublier le nombre de sans-papiers tabassés dans le commissariat de la gare du midi. Les violences policières ayant eu lieu le soir du nouvel an ont eu lieu à Forest et les violences policières dans les commissariats de Saint-Gilles sont également très bien documentées.
- Qu’une réelle politique de tolérance zéro soit enfin mise en place de façon concrète et effective, autrement qu’à travers un plan diversité lunaire : les policiers qui commettent des actes racistes doivent être virés, comme ils le seraient dans n’importe quelle autre fonction publique, la commune doit se porter partie civile
dans chaque cas sur le plan pénal et civile, les policiers d’extrême-droite doivent être virés, les policiers lanceurs d’alertes doivent être protégés de façon beaucoup plus sérieuses, les enquêtes disciplinaires doivent être effectuées par un organe indépendant et les enquêtes judiciaire doivent être dépaysées de façon à briser la culture de l’impunité.
- RTBF
- Engels, “Info BLAST / Bruxelles : le commissariat où la police cogne face caméras”, 20/12/2023
- Comité contre les violences policières Zone Midi
- 2024.02.14_Comite.Contre.Les.Violences.Policieres.Zone.Midi_Communique.Presse.pdf
- 2009.02.20_CE_190.728_DARVILLE.Hector.c.Region.Wallonne.pdf
18.07.2023 – Meurtre d’Adil : une interpellation citoyenne, une parodie de « démocratie »
15.01.2024 – Meurtre d’Adil : 4ème interpellation du Conseil de police de la Zone Midi